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.Dans
le silence de l'aube. le son du rectangle de bois frappé par le
maillet ... Il est quatre heures du matin et il fait déjà chaud et humide.
Au premier étage, on entend -les bruits des gens qui se lèvent, replient
leurs futons. Les plus rapides sont déjà dehors, se lavant la figure dans
le grand lavabo en métal. Des silhouettes. revêtues de la grande robe
noire à manches larges, pieds nus, se hâtent vers la salle de méditation
pour le premier zazen du jour. A la cuisine. le tenzo met à réchauffer
la soupe de riz ... La journée commence à Zuigakuin.
heures
... Cette fois. c'est la cloche. Sons légers auxquels font écho les premiers
chants d'oiseaux. Le soleil s'est levé et les arbres frissonnent sous
le ciel nuageux. Mains jointes, allure rapide, tout le monde se dirige
vers la salle de cérémonie. Certains semblent encore quelque peu endormis
! Ce sont les visiteurs: de passage, venus pour un week-end ou plus, et
qui sont parfois encore un peu désorientés! Les moines allument les bâtons
d'encens, les bougies, préparent la salle pour l'arrivée du maître. Le
chant grave des Sutras couvre les derniers tintements de la cloche...
que
le petit-déjeuner est fini. l'activité devient à la fois intense et bien
organisée. Auparavant. chacun. appelé par l'unpan, morceau de bronze en
forme de nuage, a apporté ses bols pour prendre le riz et les tranches
de radis en saumure qui composent le premier repas. Cela ressemble à une
cérémonie du thé, gestes précis, concentration, silence. Puis vient donc
le moment du nettoyage du Temple : tous les balais, pelles, seaux et serpillières
sont alignés dans la cour. Du Maître au dernier arrivé, on s'active, on
nettoie: on court d'un bout à l'autre des longs couloirs de bois en poussant
la serpillière. Pas de paroles, mais l'attention portée à l'autre, l'harmonie.
cette
harmonie qui va composer l' essence même de la Journée. Pas seulement
parce que tout le monde fait la même chose, au même moment - cela pourrait
être contrainte, ou obligation de la vie en groupe - mais parce que chacun
va essayer de rester attentif aux autres, de s'accorder à leur pratique,
ou, à tout le moins, de ne pas les gêner. C ' est difficile, parfois,
de déposer nos réflexes bien ancrés du "Moi, je", "Moi, je veux faire
ceci ", " Moi, j'ai l'habitude de faire comme ça ". Ici, à travers l'étude
du Zen, on s'étudie soi-même.
puis
les sons, la première chose à retenir en arrivant au Temple: bois ou métal,
tambour, clochettes, ils ponctuent chaque moment de la journée : périodes
de travail entrecoupées de méditation, heures des repas, et celle, bienvenue,
du thé pris dehors avec ses discussions, éclats de rire, moments de détente,
et enfin le début et la fin de chaque journée. Chant des oiseaux au printemps,
bruit strident des cigales tout l'automne, et le murmure de la rivière
qui coule en contrebas.
on
ne peut pas parler de ce temple sans évoquer la nature, toujours présente,
Zuigak-uin se trouve à une heure de marche du village, caché dans la forêt
de pins et de résineux, seulement visible au dernier tournant de la route.
Écureuils, daims, renards, parfois même un ours égaré sont les seuls voisins!
Les saisons sont directes, presque brutales : l'été, il fait chaud, l'hiver,
il fait froid, et ce fait si naturel nous paraît étrange, habitués comme
nous le sommes à l'écran du confort ! Pas de téléphone, pas d'électricité,
peu de chauffage, et souvent l'hiver, plus d'eau. Ce n'est pas un retour
à un mythique " bon vieux temps " mais l'occasion d'expérimenter directement
les choses " banales " dont nous nous servons tous les jours sans y prêter
attention: quand on porte I'eau, alors on connaît le vrai goût de l'eau
: quand on porte le bois, alors on connaît le vrai goût de la chaleur.
Pour quelques jours, ne plus se servir des choses, mais engager son corps
dans toutes les activités de la vie quotidienne.
,
le privilège de la vie japonaise: " o furo " - le bain brûlant. En fin
d'après-midi, le travail terminé., la dernière collation avalée - en général
le soir, un bol de nouilles "udon " ou " soba " - c'est l'heure du bain,
brûlant, où on essaye de dissiper les courbatures - il a fallu scier,
ou transporter des troncs d'arbres, ou jardiner, pauvres citadins ! -
sans compter les douleurs des heures passées en méditation. Et puis il
y aura une petite pause, le temps d'une cigarette pour certains, ou d'échanger
quelques mots d'encouragement. et on arrive au dernier zazen, le plus
long, près de deux heures, qui va clore la journée.
la
cloche, plus lente, plus grave que le matin. Mêmes silhouettes, mêmes
pieds nus qui claquent sur le parquet, brillant à force d'être poli ...
Zazen du soir, à l'heure du crépuscule, quand la nature retourne au silence
... Sans bruit, chacun se glisse à sa place, salue, puis s'installe sur
son coussin, face au mur. Le Maître entre à son tour, un moine lui offre
un bâton d'encens, froissement de robes pendant la prosternation ... Plus
tard, toute la salle tressaillira au claquement sec du kyosaku - bâton
d'éveil frappant une épaule ... Le silence se referme, plus plein, plus
vivant ..
silhouettes
: le tenzo vérifie que tout est en ordre, que le riz du lendemain trempe,
que les souris ne trouveront rien à grignoter pendant la nuit ... Un autre
moine règle la flamme des lampes à pétrole placées près des chambres,
s'assure que tout le monde est rentré, s'incline une dernière fois devant
l'autel du Bouddha ...
...
Une nouvelle journée commence, semblable à hier, semblable à demain, à
toutes les journées qui se sont déroulées pendant les années de mon séjour
... Une journée de silence, une journée d'activité et de méditation....Une
journée ordinaire., peut-être plus chaude que la veille ... Pourtant bientôt,
le matin. il y aura de la glace dans l'évier, et les parquets transperceront
de froid les pieds nus... Il faudra remplacer les légers futons d'été
par ceux d'hiver, lourds, épais, et ajouter le nettoyage du poêle aux
travaux quotidiens .....
la neige envoie ses flocons sur les doigts du moine qui tient le maillet,
la nuit est encore vraiment trop noire, il faut apporter une lampe dans
la salle de méditation ... Les canalisations ont gelé, le tenzo envoie
deux personnes avec des seaux à la rivière ...
zazen,
travailler, prendre les repas ensemble, cuisiner, partir recueillir des
offrandes dans les villages alentour, jour après jour, une vie simple
: accomplir une chose après l'autre, garder l'harmonie de la communauté,
travailler avec et pour les autres, l'esprit tranquille. " Porter de l'eau
et couper du bois ", c'est la définition donnée par les Anciens de la
vie Zen: une vie au quotidien, peu de place pour l'imagination, l'exotisme
... Seul(e), et pourtant toujours avec les autres, un espace se crée où
il ne reste que l'essentiel. Le Zen est simple, et nous sommes si compliqués
! Il faudra de nombreuses années avant de voir " les choses comme elles
sont "! Chaleur ou froid, bruit ou silence, zazen ou travail, une seule
et même chose: la vie telle qu'elle est '.
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